En juin 1971, une vingtaine de jeunes canoéistes campaient sur la rive du lac Laberge, sur le fleuve Yukon, en attendant le départ des glaces, qui retardaient le voyage de 640 km en aval de la rivière jusqu'à Dawson City, lequel marquait le début de l'Enquête sur les rivières sauvages de Parcs Canada. Même si on ne pouvait pas le savoir à l'époque, ce voyage est devenu le précurseur du Réseau des rivières du patrimoine canadien.
À la fin de cette enquête pancanadienne de trois ans, les équipes de quatre personnes avaient parcouru 65 rivières et quelque 10 000 km. Aujourd'hui, nous célébrons le 50e anniversaire de cette importante réalisation nationale qui a mené à la création du RRPC en 1984.
Un résultat plus immédiat a été la publication de huit brochures décrivant les rivières, leur histoire et leur géographie, ainsi que l'expérience du canotage elle-même, afin d'aider et de guider les voyageurs des temps modernes en milieu sauvage. Ces brochures répondaient à un besoin d'information à une époque où l'intérêt pour la nature sauvage et les voyages en canoë dans le Nord était des plus marqué.
L'idée de l'enquête a été empruntée au programme National Wild and Scenic Rivers de l’US National Park Service (Service des parcs nationaux des États-Unis). Une trentaine d’étudiants universitaires ont été embauchés par Parcs Canada pour effectuer un relevé des rivières sauvages du pays. Le voyage sur le fleuve Yukon a servi d'essai pour mettre au point la technique d'enquête et rassembler les équipes. Par la suite, des paires d'équipages dans deux canots ont été envoyées sur d'autres rivières du Yukon au cours de la première année. Parcs Canada a embauché des membres d'équipage ayant une formation en sciences naturelles, un intérêt pour les voyages en milieu sauvage et des compétences en canotage. La force physique et mentale, le courage face au danger et la capacité de travailler et de vivre dans les limites étroites d'un canoë et d'une tente se sont avérés des atouts précieux. Une certaine bravade juvénile et une bonne dose d'invincibilité se sont également révélées importantes.
Malgré tous les préparatifs et toutes les précautions, les rivières ont fait des ravages en termes d'équipement endommagé et perdu. Il y a eu des canoës inondés et brisés, d'autres mésaventures et d'innombrables accidents évités de justesse qui ont frôlé le désastre – tout ce à quoi il fallait s'attendre en canotant les rivières les plus éloignées, les plus féroces et les plus sauvages du Canada. Ces rivières étaient réputées pour leurs rapides monstrueux, leurs redoutables vagues stationnaires et leurs eaux bouillonnantes. Ces mêmes rivières ont fait des victimes avant et après l’Enquête sur les rivières sauvages, mais le fait qu'aucun membre ni aucune vie n'aient été perdus pendant toute la durée de l'enquête sur les 65 rivières témoigne des compétences impressionnantes, de l'endurance et de la persévérance des équipes, et de la chance. Pour replacer les choses dans leur contexte, il faut se rappeler que l'enquête a été réalisée avant l'apparition du GPS, des communications par satellite et des téléphones portables. Les équipes étaient entièrement livrées à elles-mêmes dans les régions sauvages du Canada. Leur sécurité et leur survie étaient entièrement entre leurs mains et dépendaient de leur capacité à terminer leur voyage à temps pour être récupérées par des hydravions.
Les équipages étaient composés de jeunes hommes et femmes exceptionnels, ce qui a été prouvé dans les années qui ont suivi. Tous les membres d'équipage ont connu un succès notable plus tard dans leur vie. Certains ont acquis une reconnaissance nationale en tant que professionnels, artistes et entrepreneurs; plusieurs sont restés à Parcs Canada pour poursuivre leur carrière. En somme, leurs réalisations sont vraiment impressionnantes. Beaucoup affirment que la participation à l'enquête a été une expérience transformatrice. On peut facilement l'apprécier lorsqu'on réalise qu'une telle enquête ne sera jamais répétée. Elle restera donc une expérience unique dans l'histoire de Parcs Canada, ainsi que dans la vie de chacun des membres d’équipage.
À l'époque, il était logique que Parcs Canada décide de procéder à un examen complet des rivières sauvages du pays. Les programmes des parcs nationaux et des lieux historiques nationaux sont entrés dans une période d'expansion, surfant sur la vague d'un mouvement de conservation émergent et confiant, fondé sur une préoccupation croissante pour l'environnement naturel et en réponse aux grandes propositions du moment en matière de développement des ressources du Nord. Dans le cadre du nouveau programme « Lieux et parcours privilégiés », il existait des plans ambitieux pour la création de nouveaux parcs nationaux et sites historiques, objectifs qui sont toujours d'actualité. L'accent mis sur les rivières sauvages n'était qu'une des nombreuses nouvelles initiatives de programme de Parcs Canada en ce temps-là. Parmi les autres initiatives des années 1970, mentionnons les sites d’intérêt national, le prolongement du réseau de canaux, les parcs marins nationaux, les voies navigables historiques, les sentiers historiques et les voies navigables panoramiques et historiques.
Le véritable héritage de l'Enquête sur les rivières sauvages est le Réseau des rivières du patrimoine canadien, un programme coopératif fédéral-provincial-territorial qui compte aujourd'hui 41 rivières dans neuf provinces et trois territoires, dont beaucoup ont été identifiées pour la première fois dans le cadre de l'Enquête sur les rivières sauvages. Un programme comme le RRPC est essentiel compte tenu de l'importance des rivières et des lacs du Canada, qui font partie de notre immense patrimoine naturel, inégalé en taille et en beauté. Nos rivières et nos lacs ont joué et continuent de jouer un rôle central dans la vie des Premières Nations ainsi que dans l'histoire et la culture du Canada. Ils ont été les voies de communication vitales depuis des temps immémoriaux, avant et après que cette terre soit devenue le pays du Canada. Ainsi, les rivières étaient et demeurent essentielles à notre existence et à notre identité nationale. C'est grâce au RRPC que leur importance est reconnue, protégée et célébrée.
Dans la présente note de célébration du 50e anniversaire de l’Enquête sur les rivières sauvages, les noms des membres d'équipage, acteurs essentiels de cette initiative, doivent être mentionnés, avec un grand cri de félicitations et de remerciements à tous. Il s'agit de :
Ian Donaldson, Campbell Day, Fred Cramp, Sue Cramp, Jean de Groisbois, Priidu Juurand, Dave McClung, Malcomb McIntyre, Bill Pisco, Tom Wallace, Roger Beardmore, Harry Collins, Steve Paul, Carson Herrick, Ramona Herrick, Allan Ballack, David Wilford, Gerry Fassett, Caroline Boucher, Vahe Guzelimian, Robert Amos, Jim Lavalée, Claude Thériault, Tom Perry, Greg Ewart, John Horrick, Derryl Peck, Diane Rocheleau, Robin Barber, Juri Peepre (RIP 2018), Daniel Laroque, Ronald Jean et Alexandre Napess.
Ces aventuriers aujourd'hui âgés transportent avec eux une foule d'anecdotes personnelles, de souvenirs et d'expériences qui restent largement méconnues, mais l'histoire des rivières du Canada est plus vivante grâce à ces quelques intrépides.
Mention de source : Robert Amos
Pour compléter l'histoire de l'enquête, il faut également mentionner Gerry Lee, alors de Parcs Canada, qui a été à l'origine de l'enquête et en a assuré le financement, et Priidu Juurand, qui a joué un rôle clé en tant que responsable de la logistique et chef d’équipage sur le terrain.
Pour commémorer le 50e anniversaire de l'Enquête sur les rivières sauvages, Molly Demma du RRPC a organisé une conférence téléphonique en ligne le 22 octobre 2021, à laquelle ont participé plus de 20 membres de l'équipe originale de partout au Canada et d'aussi loin que la Norvège. Ce fut un événement joyeux, la première réunion de ce genre en un demi-siècle