Le bassin de la rivière Peel, c’est chez moi
Par : Bobbi Rose Koe
Je me souviens de la jeune fille qui a grandi à notre chalet familial sur les rives de la rivière Peel à environ 50 kilomètres au sud de Fort McPherson, dans les Territoires du Nord-Ouest. J’avais l’impression de vivre sur une île fantastique où il y avait tellement de choses à explorer dans notre cour et à apprendre de mes grands-parents. Ils étaient mes héros. Ils ont parcouru la terre, sur les sentiers et au fil de l’eau, en travaillant avec les animaux, les poissons et les plantes comme s’ils étaient l’un des leurs. Ils connaissaient l’intérieur, l’extérieur, les angles et tout ce qu’il y avait entre. Je me souviens encore combien je trouvais ça cool de grandir auprès d’eux avec les arbres, les plantes et mon chien, Max.
C’était magique. C’était puissant. Et c’est encore puissant.

Des années plus tard, ces expériences ont façonné la personne que je suis aujourd’hui. J’ai passé du temps à apprendre à mieux connaître la terre, à voir comment tout fonctionne ensemble et à rencontrer des gens qui vivent sur la terre. J’ai eu l’occasion de voyager sur la terre avec plusieurs personnes intéressantes et bien informées, avec mon monde, le peuple gwich’in. Bon nombre des personnes avec lequelles j’ai parcouru la terre, y compris des membres de ma propre famille, ne sont plus ici aujourd’hui, dans ce monde. Ils m’ont transmis tellement de choses, c’est tellement un grand honneur, et pourtant, c’est beaucoup de responsabilités. Je les porte avec moi, dans mon coeur, dans mon esprit et dans mes histoires. Toutes ces expériences m’ont amenée là où je suis et vers qui je suis aujourd’hui.
Cela fait sept ans dupuis que j'aimis pieds dans le bassin de la rivière Peel depuis sept ans. Je me souviens encore très distinctement de ce voyage. C’était une randonnée en canot de 17 jours en aval sur la rivière Wind. Je me sentais chez moi. Je sentais la force et l’amour. Jour après jour, nous avancions, en nous familiarisant davantage avec la terre. Avant de quitter le cours supérieur de la rivière Wind, nous avons décidé de gravir l’une des montagnes à partir du site de camping. Je n’ai pas l’habitude de gravir une montagne pour rien, mais j’ai quand même décidé d’y aller. Après une heure, nous avons atteint le sommet. Avec un énorme soulagement, je me suis assise au sommet de la montagne qui surplombe la rivière Wind. Je me souviens d’avoir ressenti la même chose de quand j’étais une petite fille. En pensant que cet endroit était irréel, ce sentiment familier d’être sur une terre fantastique. J’avais l’impression d’y être déjà venue. J’ai prié, j’ai pleuré. J’ai remercié Kagwhaahat/le créateur et nos ancêtres. J’ai imaginé où mon peuple aurait vécu, joué et chanté. J’ai relié les points des endroits dont les aînés m’avaient parlé, là ou un certain nombre d’entre eux étaient nés ou là où ils auraient chassé ou pêché. Avant de descendre la montagne, je me souviens d’avoir pris un moment. J’ai murmuré doucement à la terre et à mes ancêtres : « Un jour, je vais ramener notre monde et je vais veiller à ce que notre peuple et notre terre soient entendus. »

Ma vie a défilé sous mes yeux et a pris tout son sens à ce moment-là. La terre m’a ramenée à cet endroit pour une raison. Depuis ce temps, j’ai souvent eu l’occasion de pagayer le long des cours d’eau du bassin de la rivière Peel. Peu importe ce qui arrive dans ma vie, même si j’essaie de faire un changement dans ma carrière ou dans ma vie, je reviens toujours à cette terre.
Ce mois-ci, je célèbre la première année depuis que j’ai lancé Dinjii Zhuh Adventures, une entreprise d’activités guidées en rivière axées sur les expéditions dans le Nord pour les communautés, les jeunes et les visiteurs. Cette entreprise est vouée à former des jeunes autochtones afin qu’ils deviennent eux-mêmes des guides de la terre. Ce programme de formation de guides en rivière pour les jeunes autochtones est guidé par les philosophies et les enseignements de nos aînés, qui nous disent que nous devons retourner à la terre et que la terre est notre école. Là-bas, nous apprenons en écoutant nos aînés, nos mentors, l’eau et la terre avec notre cœur, notre tête, notre esprit et notre corps.

Au fil des année que j’ai consacrées à militer pour la terre, le bassin de la rivière Peel et nos générations futures, j’ai fini par comprendre que de nombreux jeunes n’ont pas la chance d’être sur la terre, d’apprendre sur la terre ou de mettre en application des compétences rattachées aux ressources de la terre dans une carrière. C’est la réalité non seulement au Yukon, mais dans l’ensemble des collectivités du Nord. Ce programme vise à éliminer les obstacles et à créer des occasions afin que les jeunes puissent acquérir des compétences rattachées aux ressources de la terre comme le canotage en eaux calmes et en eaux vives, la médecine en milieu sauvage et la formation de sauvetage en eaux vives. Le programme vise à améliorer l’estime de soi, le leadership ainsi que l’autodétermination et à exposer les jeunes à des possibilités de carrière tout en se concentrant sur les langues, les connaissances et les peuples autochtones.
Renforcer les capacités des jeunes autochtones afin qu’ils puissent devenir des guides en milieu sauvage contribuera à distribuer de façon plus équitable la richesse constituée à l’aide du tourisme dans le Nord aux propriétaires fonciers originaux. À l’heure actuelle, ce sont des personnes et des entreprises non autochtones qui détiennent la majeure partie de l’argent gagné dans le secteur du tourisme. L’objectif consiste à changer cette situation afin que les jeunes autochtones puissent participer à cette économie et que nous puissions vivre notre souveraineté économique sur nos terres. Nous visons à offrir un accès à des formations pour les jeunes et à créer un cercle de soutien pour les guides autochtones émergents. Cette initiative les mettra en contact avec un réseau formé de mentors et d’autres leaders de l’industrie qui peuvent leur offrir des possibilités afin de poursuivre leur croissance dans le secteur du tourisme.
Cette formation de guide en rivière pour les jeunes autochtones sera avantageuse pour les jeunes et pour nos communautés dans le Nord en offrant aux jeunes l’occasion de se mettre au défi et de tisser des liens solides avec d’autres jeunes autochtones dans le Nord. Elle leur permettra d’imaginer un avenir dans lequel ils pourront subvenir à leurs besoins ainsi qu’aux besoins de leurs communautés en travaillant sur la terre d’une manière respectueuse, durable et compatible avec les façons de faire autochtones. Notre équipe concevra un programme d’études pour la formation des guides autochtones qui continuera d’être offerte à différentes communautés un peu partout dans le Nord. Encourager un plus grand nombre de jeunes autochtones à tisser des liens avec la terre aura pour effet de créer un grand réseau de protecteurs de la terre dans l’ensemble de l’Arctique. Ce programme vise à mettre en valeur la beauté, la force et l’importance des terres autochtones et des jeunes autochtones — et à mettre l’accent sur les liens qui les unissent.

Aujourd’hui, l’un des premiers mots qui me vient à l’esprit quand je pense au bassin de la rivière Peel, c’est chez-moi. Le deuxième mot, c’est famille. Et tout a commencé quand j’étais une petite fille qui regardait ses grands-parents parcourir la terre comme s’ils ne faisaient qu’un avec elle. J’apprends encore et je vais continuer d’apprendre, et aujourd’hui, je me concentre à aider à enseigner aux jeunes de cette terre, qui est aussi leur chez-soi.